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Itinéraire d’un philanthrope visionnaire et bienfaiteur de l'hu-manité, Sir Moïse Montefiore

Par Rémy Serrouya

Directeur administratif et financier

 

En se promenant dans le dédale des ruelles qui jouxtent le centre de Jérusalem, on traverse de nombreux quartiers de la ville qui portent le patronyme « Moshé ». Il y a notamment le quartier Kyriat Moshé, tout près de la gare centrale ; le quartier Mazkeret Moshé, face au célèbre shouk (marché) Mahané Yehouda et, bien sûr, le quartier Yemin Moshé, proche de la Grande synagogue, qui abrite le fameux moulin à vent, offert à la ville en 1852 par ce même Moshé, et qui permettait aux populations nécessiteuses de moudre leur grain gratuitement.

Ce patronyme Moshé, omniprésent à Jérusalem, est un hommage de la ville au célèbre philanthrope anglais du XIXe siècle, Sir Moïse Montefiore (1784-1885) – Moshé en hébreu –, qui a créé ces quartiers afin de développer l’économie de la ville et ainsi améliorer les conditions de vie souvent précaires des Juifs de Palestine.

Né à Livourne, issu d’une famille juive italienne, Moïse Montefiore, jeune homme surdoué en affaires habitant Londres, s’investit dans le développement de nouveaux secteurs d’activités qui vont faire sa fortune, tels les assurances et le gaz d’éclairage. Son mariage avec la belle-sœur du financier Nathan Mayer Rothschild lui permet de renforcer ses connexions avec l’univers de la Bourse, où il fait également fortune. Génie reconnu dans les affaires, Moïse Montefiore quitte néanmoins le monde du business dès ses 40 ans, afin de se consacrer à ce qui l’intéresse vraiment, les actions philanthropiques. Il rêve d’améliorer la qualité de vie de l’humanité et c’est ce qu’il fera, inlassablement, sur plusieurs continents, jusqu’à son décès, à 101 ans.

Son premier acte de bienfaisance majeur fut la construction, en Angleterre, de la synagogue de Ramsgate, en 1831. Il racheta une ancienne résidence de campagne appartenant à la reine Caroline et la dédia à la communauté juive d’origine portugaise de la ville. Fait notable, cette synagogue, magnifique, est toujours en activité.

Par son implication au sein de la cité et sa connaissance des besoins immédiats des populations en détresse, il s’emploie à créer des institutions caritatives et soutient la construction de nombreux hôpitaux, dispensaires et hospices à travers le monde. On lui doit notamment le University College Hospital de Londres, ou encore l'hôpital Sir Moïse Montefiore à Jérusalem. Pour le croyant qu’il est, la Tsédaka (charité) est un acte de justice, un devoir pour les nantis de restituer aux déshérités une partie de la fortune accordée par la Providence.

Philanthrope hyperactif à la vocation universelle, il est présent sur tous les fronts. Il lutte contre l’illettrisme et soutient la création d’établissements scolaires en Russie et en Afrique du Nord. Très en avance sur son temps, il développe également des programmes permettant aux plus démunis de devenir économiquement indépendants, en finançant, en Palestine notamment, des formations en agriculture et l’acquisition d’outils agricoles. Une préfiguration du micro-crédit d’aujourd’hui. Fervent opposant à l'esclavage, il promeut l’abolition de l'esclavage dans l'Empire britannique, milite au sein des mouvements abolitionnistes et finance des initiatives visant à aider les esclaves affranchis.

En France, il soutient les actions d’Adolphe Crémieux pour la promotion des droits civiques des Juifs d’Algérie, leur accordant, en 1870, la citoyenneté française.  

Ce n’est bien sûr qu’un bref aperçu des réalisations de Sir Moïse Montefiore, qui a traversé un siècle de transformations politiques et sociales. Son héritage perdure, non seulement dans les institutions qu'il a fondées, mais aussi dans l'inspiration qu'il continue de susciter chez les défenseurs des droits humains et au sein des organisations philanthropiques, comme la Fondation du Judaïsme Français. Il est anobli par la reine Victoria en 1837, et fait baronnet en 1846, en reconnaissance de ses contributions exceptionnelles. Sir Moïse Montefiore est enterré à Ramsgate, au côté de son épouse Judith. Leur mausolée est une réplique de la tombe de Rachel, près de Bethléem.